Monuments disparus

Séméac : Le château

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Texte, photos et collecte des documents : Daniel Mur.

Il y avait autrefois un fort beau château à Séméac. Son emprise est encore bien présente aujourd’hui dans la commune, comme vous pouvez le constater ci-dessous (endroit marqué d’une croix). Le château a été détruit vers 1780, voilà son histoire…

Bois du château

Prés du château

Le plan ci-dessous, du XVIIIème siècle, nous montre un village en ordre lâche. Les maisons se répartissent du château, avec ses dépendances, jusqu'à l'église. Celle-ci sera agrémentée d'un clocher dans les années 1780. On est surpris de constater l'importance du château qui occupe, à lui seul, avec ses jardins, prés, enclos et basse-cour, autant de place que le reste du village. A noter l'absence de la route Tarbes-Tournay qui ne sera construite que dans les années 1780, et, ancêtre de la rue Dallas actuelle, l'allée du château qui conduisait à l'Adour où devait probablement exister un gué. Un « état du fond que Monsieur de Gramond tient et possède » fait état de « l'emplassement d'un château, ménagerie, écurie avec un enclos six journaux pré mis au rang de la première classe..., et au même enclos se trouve 7 journaux terre labourable mise au rang de la première classe... plus, au midi du susdit enclos se trouve une pièce de pré appartenante audit seigneur de contenance doutée journaux... plus autre pièce attenante à la susdite au midy de la grande routte, pré de contenance de quatre journaux ». A cela s'ajoutent d'autres terres au quartier de Lasgarrènes, des bois,etc.

Plans

Le moulin

Le moulin banier (possédé par le seigneur et dont l'usage est payant et obligatoire) est sans doute celui du Moulin Vert situé le long de l'Alaric, et ses dépendances.

En 1824, le village comptait 150 « maisons » soumises à l'impôt foncier dont 128 en section C dite du village, 15 en section A Darré l'église et 7 dans le quartier de Lanne Darré (section C). A la même époque, le terroir de la commune s'étendait sur 592 hectares dont 38,6 % étaient occupés par les terres labourables, contre à peine 18,7 % lors de la rénovation cadastrale de 1925. C'est que les prés n'occupaient que 156 hectares au début du XIXe siècle et 201, cent ans après. Le plus grand changement, c'est la décadence de la culture de la vigne, frappée par le phylloxéra : on comptait presque 50 hectares de vigne haute et 8,4 de vigne basse en 1824, alors qu'en 1925 il n'y en avait plus que 12, 4 hectares au total. Les vergers ont également diminué de moitié, alors que le terrain bâti passait de  6,2 à 14,07 hectares : Séméac avait déjà amorcé sa spécialisation industrielle.

Un peu d’histoire

Le château de Séméac a été la propriété des Castelbajac depuis le XIIIe siècle. Il fut acheté par Claire de Gramont veuve de Manaud d'Aure le 31 mars 1540. C'était là une résidence digne de sa fortune considérable, puisqu'elle avait hérité du patrimoine de la famille d'Aure pour la Bigorre. Son héritier, Antoine, premier comte de Gramont séjournera à Séméac pendant les guerres de religion, car il y était en sécurité. En effet, il y entretenait une garnison, en 1574 notamment, commandée par les capitaines Forgues et Licerasse pour tenir en respect les Huguenots.

Antoine 1er,  comte de Gramont

A sa mort en 1576, Suzanne de Gramont épouse Monpezat, hérite de Séméac et déclare y posséder, en 1600, « un château seigneurial flanqué, environné défasses et pont levis avec deux beaux jardins ». Si elle fit construire un bâtiment, c'est surtout Henry duc de Gramont, gouverneur de Bayonne, qui transforma la petite citadelle féodale en un magnifique château résidentiel avec de superbes jardins. Léon Godrefoy le décrit ainsi en 1644 : « Quant au château de Sevinhac (Séméac) c'est un bâtiment vieil en partie et en partie neuf qui appartient à la maison de Gramont, là ou estait mort quelques mois auparavant que j'y passasse le dernier seigneur de cette maison ». Catherine Charlotte, sœur d' Henry, paracheva son œuvre et fut la dernière châtelaine résidente : elle mourut à Séméac le 20 juillet 1688.


Quoique plus tardif, le plan évoque le magnifique château évoqué par Froideur  « Première chose qu'on trouve au bout d'une grande avenue, est la basse cour qui est à main droite, et une Orangerie qui est à la gauche, qui font bien voir que cette maison appartient à un grand seigneur. On trouve ensuite, à la perspective de l'avenue, le château, qui était ci-devant composé de quatre corps de logis flanqués d'autant de pavillons, mais on en a retranché un depuis quelques années pour lui donner le beau jour et le beau soleil et pour donner aussi en même temps, à tous les appartements de haut et de bas, la plus belle vue qu'on se puisse imaginer. Le bas de cette maison contient, outre les offices et les logements des domestiques, quatre choses remarquables. La première est la cuisine, qui est toujours très bonne et très délicate. La seconde est l'office qui est toujours paré d'une grande quantité de vaisselle d'argent, et surtout de cinq grandes bassines, douze chandeliers, plusieurs vases et un service complet de vermeil doré aux armes des Montmorency, ce comte Voyant eu par la succession de sa mère… La troisième chose est une salle ornée d'une quantité de tableaux, de bustes et de cent autres jolies choses. Et le quatrième est un petit appartement pour le maître de maison… La rivière de l'Adour, sur laquelle elle est située, semble faite exprès pour lui donner mille embellissements. Elle remplit un large fossé qui environne le château, et fait aux environs je ne sais combien de canaux, de cascades et de jets d'eau. De quelque côté que vous jetiez la vue, vous trouvez toujours un grand et beau jardin. Le premier qui se présente est un parterre rempli de fleurs et de pots de jasmin d'Espagne de mirte et d'autres choses semblables entrecoupé de petits canaux et de plusieurs bassins et jets d'eau exposé à la vue de tous les appartements... Un autre est un grand pré... Derrière la maison sont les potagers et les vergers, joignant l'orangerie où il y a deux ou trois grottes. Ces deux jardins ont aussi leurs canaux et leurs fontaines... »

La décadence du château de Séméac s'amorce avec Philibert de Gramont, marquis de Séméac Il fut sévèrement compromis pendant la Fronde, et fut exilé en 1662 pour avoir courtisé Mlle de la Motte-Agencourt, une des maîtresses du roi. Il alla à Londres et trouva à la cour de Charles II une atmosphère propice à son goût pour l'intrigue, la galanterie et le plaisir. Il y épousa Élizabeth Hamilton sous la pression de ses deux frères : elle était considérée comme une grande beauté de la cour anglaise, mais cela ne dissuada pas Gramont de continuer ses exploits galants. Autorisé à retourner en France en 1664, il revint plusieurs fois en Angleterre pour de petites missions diplomatiques.), qui mène un train de vie ruineux entre Londres et Versailles. Le petit château de province, très éloigné, est laissé à l'abandon et vidé de ses meubles. Un procès aura lieu entre les héritiers de Philibert, ce qui entraînera le déclin irrémédiable de la résidence séméacaise, malgré son retour dans le patrimoine de la branche aînée de la famille.

Philibert de Gramont. Sa grand-mère fut Diane d'Andoins, comtesse de Gramont, dite « la belle Corisande », une des maîtresses d'Henri IV.

Plan agrandi du château.

Plan en perspective.

Même si de nombreuses réparations sont faites de 1740 à 1763, le 6 juin 1777, tout l'angle du pavillon méridional de l'aile orientale du château s'écroule. Pour Castéran, avocat tarbais et homme d'affaires d'Antoine VI duc de Gramont, la bâtisse entière doit être démolie, car son entretien coûte trop cher. Cela est décidé et on commence à vendre 6 arceaux de marbre pour l'hôpital de Vic-en-Bigorre que l'on construit alors. Nous trouvons aussi, dans les comptes de la communauté, des ventes de matériaux provenant du château. En 1781, par exemple, dans le registre des dépenses figure la mention suivante : « plus payé à Mr Pigeon de Trie cent vingt livres pour le prix de la tuile que Mr Dizac ancien consul avait acheté pour la communauté... ». La même somme a été dépensée l'année suivante, auprès de l'entrepreneur Pigeon, pour un achat de pierres destinées à la construction du clocher de l'église. En 1782 encore, le transport « de la pierre morte du chasteau au presbytère » a coûté 13 livres 10 sols.

Antoine VI,  duc de Gramont

Vendu comme bien national au moment de la Révolution, l'édifice est expertisé par les charpentiers Médus et Larrieu : « le troisième jour complémentaire de la deuxième année de la république une et indivisible » « Ce pavillon a au dessus du rés de chaussée deux étages dont chacun ne forme qu'une chambre avec cheminée et un grenier dessus... Dans le pavillon qui a intérieurement vingt deux pièces en tout sans le sol le rès de chaussée était autrefois carrelé de vieux carreaux mais on l'a presque entièrement décarrelé en fouillant la terre pour en extraire le salpêtre. Dans les trois planchers, il n'y a de bon que les poutres et les solives, les planches sont très vieilles vermoulues ou pourries par les gouttières et les planchers percés en nombre d'endroits… Le mur de la face méridionale transplombe considérablement et fait bosse dans le milieu de sa hauteur qui est trop grande pour son épaisseur qui n 'est que de dix huit pouces. Ce mouvement de la face méridionale a fait crevasser les deux faces d'orient et d'occident, celle cy surtout dont la crevasse est effrayante et laisse voir le jour à travers. Il est probable que toute la face méridionale et partie des deux faces d'orient et du couchant ne tarderont pas à s'écrouler...

La grange qui est à l'orient de la cour a une entrée par sa petite face septentrionale dont la porte est assez bonne. Une s'y trouve aucun mur de refend. Le toit d'ardoise de cette partie de grange n'est mauvais que dans certains endroits, le versant qui est à l'occident.La charpente, les poutres et les solives en sont assez bonnes. Mais le plancher du grenier manque, sur la plus grande partie, par lambeaux et ce qui reste est pourri… La grange qui est au midi de la cour a dans sa face septentrionnale une baye déporte cochère sans fermeture et dans sa face méridionale une petite porte très mauvaise et qui ne se ferme qu 'au moyen d'une bûche placée en arc boutant, qui monte au premier étage...Le plancher du grenier est totalement en état de ruine ; ce qui en reste est très mauvais. La charpente menace d'une ruine prochaine et l'ardoise de la toiture est très vieille très délabrée et remplie de gouttières... »

Maquette du château

Elle se trouvait dans le bureau de Madame la Maire de Séméac en mai 2014, date des clichés.

Vestiges du château

Il reste du château : un beau mur d’enceinte en galet de l’Adour, le portail d’entrée, quelques vestiges de dépendances du château, et un vieux puits :

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L’emprise de l’ancien château se devine bien vu du ciel.